Où sont les poètes ?  
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À propos

Où sont les poètes ? La première fois que cette question m’est parvenue, elle était attachée à un sticker tendu par Marsu. Elle s’était posée et imprimée au creux d’un groupe d’occupant•es de la Colline en 2021. Le mouvement de colère contre l’atteinte à la culture avait porté à mes mains un bout de papier lourd de sens. Pendant des années j’y ai pensé et repensé, ces mots pendus à ma peau, où sont les poètes ?

Qui dans mon environnement, sur mes sillages, et moi dans les leurs, a observé les mêmes choses, différemment, a tenté d’y poser du sens, ou de l’en dépouiller ? Comment nos voix résonnent-elles dans l’espace, nous qui sommes plus que jamais régulés par le temps, temps qui appuie de tous ses doigts et tasse ce qui reste de notre rapport à autour ? À lire sur le sujet https://www.ousontlespoetes.fr/citadelles/

C’est en ayant ces réflexions, et en parlant avec des ami•es, que l’idée de créer une toile virtuelle, un maillage en ligne d’expériences spatialisées m’est venue. ousontlespoetes.fr est donc un site de poésie située et collaborative. Il vise à retrouver un sens de la communauté au travers des textes et de la poésie (au sens large). Ce site cherche à créer de nouvelles connexions, à développer une grammaire collective, mais aussi à se rendre compte que la poésie est partout, dans notre environnement et notre quotidien.

Je vous invite donc à écrire, à partager vos pensées, à envahir la carte de mots.

Bien évidemment il faut que ce soit fait dans le respect de chacun•e, la modération du site se réserve le droit d’invisibiliser tout texte discriminant et/ou incitant à la haine.

Pour écrire un poème il vous suffit de vous connecter ou de vous inscrire, puis de cliquer sur le stylo. Attention à renseigner correctement les coordonnées GPS de votre poème avant de le publier. Elles sont obligatoires pour la publication mais vous n'êtes pas obligé•es de mettre les coordonnées exactes du lieu où vous l'avez écrit. Il faut également éviter de mettre des caractères spéciaux comme des apostrophes dans "lieu qui vous a inspiré" pour l'instant.

Le site est jeune, il peut y avoir des bugs alors pour toute question ou suggestion vous pouvez m’envoyer un mail à ousontlespoetes@gmail.com ou un message sur instagram à @annapichot.

Un grand merci à Michel Ravey pour avoir permis à ce projet de voir le jour.


Liste des poèmes

La balise papillon
Un papillon affronte, seul, l’immensité d’un pré.
Perdu, dans le champ des possibles,
Océan vert balayé par une faible brise.
Le battement de ses ailes le porte dans cet espace.
De ce mouvement léger mais chaotique,
Se devine une trajectoire faisant fi de tous les dangers liés à sa fragilité.
Mu par son instinct, il dessine son destin sur cette toile chlorophyllienne.
La vue de ce tableau apaise le cœur du promeneur,
Dont la vie lui paraît insensée.
Concentrant son attention sur les ailes virevoltantes,
Son esprit s’élève, un peu plus courageux,
Pour trouver son chemin de vie.
 
OLIVESS
Prise

une boule dure et chaude dans le ventre

qui gonfle est la

comme avant un grand changement

dans le corps et en dehors

comme la gorge qui siffle avant de tomber malade

et mes joues rouges en pensant à toi

surtout

Anna Pichot
Je connais presque ton odeur

Le départ en voyage se fait en grands vertiges

de fatigue qui troublent

jusqu’au ciel puisqu’il se met à pleuvoir.

 

Tout passe vite et en à peine quelques bonjour

nous sommes entourés de bois et de pierre qui isolent

d’un vert voilé par nos souffles;

ils roulent en brouillard entre les conifères.

 

On ne pénètre le paysage que si on accepte ses gouttes jusqu’au fond des yeux,

alors il crache des silhouettes de chevaux

et des limaces jusque dans les lavabos.

 

Tous ensemble autour d’une table qui nous enlace,

et les pizzas,

on se raconte des histoires de couleurs et de jumelage par les actes.

 

On rit de se savoir au même endroit.

 

On joue du piano en comblant les désaccords par nos rires

et enfin, on s’endort

blottis dans nos lits comme dans les contes

avec trois ours

et des boucles d’or.

                                                                                                                                                

Le lendemain l’envie de toucher tout par les yeux se fait forte,

je pars vite.

 

Au début

passage dans une ville vide et de briques

il y a une grille et derrière un chien

un chien un loup peut-être

de toute sa taille à l’arrière d’une camionnette

derrière encore

une grille

une grande cage à roue,

et lui calme dedans.

on se fixe un peu en silence, au travers des deux grilles et

par moirage il devient un peu humain

et moi sûrement un peu chien.

 

J’avance vite et ne m’arrête à nouveau que devant un ogre

de bois

dessous la légende s’étale en vert sur jaune,

comme les fausses guêpes, les mouches malignes et qui trompent,

 

Les Bruyêrois ne vous en parleront probablement pas, en tout cas ils ne m’ont rien dit. Mais une chose est sûre, pour l’avoir vécu, il n’est pas rare, par une nuit de pleine Lune d’entendre l’ogre dans le vallon de l’Avison ! Mieux que cela, pour qui en aurait le courage, il est même possible de l’observer danser et festoyer avec toute une troupe de Sotrés accompagnant de bon cœur et de vive voix l’ogre de ces bois.

 

Embrassée par les cyprès je grimpe sur des sentiers qui bouffent de lumières et d’ombres

tous les traits.

 

Tout en haut,

la tour de l’Avison domine Bruyères

et mes yeux y sautent de coin en coin

comme une tique depuis les fougères,

ou depuis un banc

et Kyliann au bout.

 

J’emprunte le chemin de la paix et de la liberté jusqu’à une chapelle discrète

dans le grès rose

un hommage au sergent Kuroda;

la chapelle de la Roche où on ne peut que passer

et lui qui reste figé là.

 

Je me perds un peu ensuite,

les balises ne sont plus jamais les bonnes

et les câbles non plus,

tout s’éteint.

 

Sans carte, je me retrouve seule avec la source

et déjà il faut remonter son courant.

 

Je cours aux retrouvailles en abandonnant ravins et étangs derrière moi,

comme si le mystère se devait encore d’exister.

 

Je marche vite le long des routes, je coupe la carte de diagonales de béton.

Je tisse une toile, un quadrillage évident

du paysage.

J’ai conscience que chaque pas comme chaque seconde me rapproche

de la rencontre avec les autres mais aussi,

et ça m’y fait penser,

avec toi.

 

C’est peut-être pour ça que j’ai ce besoin de tout parcourir,

de comprendre le tout autour

à défaut de tenir entre mes mains

le sens

la pulpe essentielle de ce qui se déroule

à l’intérieur

de mon organe

frontière

et du tien.

 

Alors je réfléchis à des mots pour toi, pour te sentir un peu au bout de ma langue

 

mais elle tourne seule contre mon palais, très près de mes dents et

j’ai la bouche pleine de l’eau que j’oublie de boire

j’ai des gouttes le long des omoplates et

jusqu’au genoux d’essayer avant l’heure de te savoir.

 

C’est comme s’il ne fallait rien figer main

tenant,

comme si le mystère se devait encore d’exister.

 

Je pense à toi dans ma solitude forcée par des choses

que je ne comprends pas vraiment

mais qui sont pourtant au centre de notre lien.

Nos écrans, le réseau, le maillage électrique,

intangibles et pourtant,

je connais la courbure de tes yeux quand tu souris

et presque ton odeur.

 

La distance ne me sépare pas de toi

et je sais que tu me vois,

même sans ton regard dans le mien.

 

Il se passe quelque chose comme une intrication

de tes boucles aux miennes.

 

Je récolte sur le chemin des bribes pour toi,

et sans le savoir tu tiens par ta mémoire

et derrière tes cils

ma manière intime d’arpenter le monde

 

donc finalement c’est moi

 

que tu tiens par ta mémoire

et derrière tes cils,

comme si le mystère ne devait plus tant exister.

 

Je marche vite le long des routes jusqu’à rattraper d’autres trajectoires,

et le groupe.

À la croisée des chemins deux chevaux de traie,

et deux personnes à la lisière d’une balade

mais aussi deux chiens pareils et qui cette fois,

eux,

sortent le museau de la grille

pour hurler sur les passant•es.

 

Tout communique à nouveau donc.

 

On rentre au gîte en ramassant fraises et tiques.

Tout rentre dans le corps par la peau par la bouche.

Comme si déjà le lieu nous avait changé

un peu

avec nos salives comme empreintes dans le compost,

à la surface des peaux de pastèques, et

leur jus

partout au sol.

Anna Pichot
Thé au sol

 

Sous les arbres doux

taillés du bout des ongles

et des passages

Lena fait couler la cire sur le béton

longtemps jusqu’à

poser la bougie au centre de la petite flaque

à trois doigts

et le regard en l’air, brillant.

Au bord de l’eau,

là où le courant est plus fort à cause

des décharges

Je sors de mon sac les tasses le thermos et les sachets de thé

il y a des odeurs de tisane en extérieur

qui se mélangent aux rires si pleins qu’ils dégoulinent de morve et de mascara

surface sous nuit pour inverse de la

noyade sous golden hour

on remonte à la surface et Orion fait des bruits d’oiseau

grandes jambes toutes tendues on se replie par nos bras

comme des

plantes fatiguées d’une journée à tourner avec le soleil

 

Une fois rentrée, et le ventre plein d’un gâteau qui n’est jamais arrivé,

je pense un peu

à elle

je n’ose pas trop encore écrire à son propos

j’ai peur de figer des choses qui se doivent de rester encore un peu mouvantes

l’imagination ici est un risque et je connais déjà tous les chemins

mais je m’amuse parfois à mon insu à prendre son visage aux traits encore incertains

entre mes paumes

Anna Pichot
Les murmures de mon coeur

Les murmures de mon cœur

M’empêchent de respirer

Mais au lieu de les ignorer

J’ai cueilli une fleur

Que j’avais fait pousser

Elle se mit à parler

Cette fleur

Si tu ne m’avais pas arrosée

Grâce à tes pleurs

Je n’aurais jamais pu exister

C’est ainsi que je fais pousser mon jardin secret

Plumencree
Exutoire

La forêt réveille les esprits les plus,

cachés,

créatifs, seulement entre les

feuilles.

Alors, quand, la forêt dans la ville est

parcourue,

l’énergie grandiose des artistes s’en dégage.

Le mouvement s’opère, contre tout,

en un exutoire nécessaire.

Kerian Dubuis
Sincèrement.

Je suis désolé.

Je te vois pleurer,

Et je sais que mes mots

ne sont pas assez.

Ne sont pas assez,

Pour éteindre cette douleur,

Pour t’en libérer. 

I’m sorry.

I failed. 

To help you out. 

I’m sorry. 

I failed. 

To get you out. 

You’re way too deep.

To get you out.

 

Moiaussi
Nouvelles

Je ne veux pas prendre de vos

nouvelles.

Parce que

j’ai la sensation que vous ne prenez pas

de mes

nouvelles.

Et donc

même si j’étais censé vous appeler

aujourd’hui,

et bien non.

À votre tour,

maintenant.

Kerian Dubuis
Atelier

J’aimerais ne jamais oublier comme ce soir, mon petit atelier de poésie discret.

C’est une erreur de débutant, sûrement, que de se retrouver au milieu du monde bruyant, à cette table où le partage est limité aux conversations acceptables, aux interactions faciles.

Je ne suis pas facile,

j’aurais aimé écrire pour compenser le manque d’adresses à mon égard.

Mais j’ai oublié mon petit carnet.

Kerian Dubuis
Paracétamol

Sorry, I was boarding the plane.

Actually, getting back to my place was a little wierd too, aafter seeing you.

Unlike you, my bus picked me up properly, but I got locked out of my hotel. My friend fell asleep.

I had to call the hotel manager. Not a smooth process.

Anyway, see you soon.

xoxo

 

On est tombés bien bas, du paracétamol pour calmer la douleur.

Ruinee dès l’essai son idéal, comme un capitalisme des sentiments.

Kerian Dubuis
Un 21 Novembre

Il neige ici-bas 

Il y a longtemps qu’on avait pas vu un spectacle comme cela

Les rues saupoudrées de sucre glace

A la lueur des lampadaires, des flocons voltigant

Les voitures garées le long des trottoirs ont revêtu des manteaux blancs 

J’ai ouvert la fenêtre.

Il neige si abondamment 

Tout est si calme si apaisant 

On entend juste le petit « pok » de chaque flocon qui se dépose délicatement 

Sur ses camarades flocons, de la population des flocons,

Descendus nous rendre visite depuis leur maison-mère les Nuages

Et les uns après les autres, très sages

Se sont élancés tel des oisillons 

Un long voyage de dégringolade s’est alors ensuivi par milliards de millions 

Raf
Citadelles

Sur le chemin pour rentrer chez moi,

en passant sous les ponts,

j’ai observé les citadelles

des tisseuses de vide,

de lumière

et à la nuit tout juste tombé sous mes pas

j’ai confié mes souvenirs mes tristesses

comme on tend un fil d’un point à un autre,

un maillage.

 

J’ai lu aujourd’hui des choses sur

les motifs temporels dans lesquels nous sommes pris

sur le développement des non-lieux

par la contraction de l’espace,

et le temps comme seul point de repère

qui appuie de tous ses doigts et tasse

ce qui reste de notre rapport à autour.

 

La compression du présent

et le cycle de l’accélération

en boucle auto-alimentée

m’ont fait m’arrêter devant les

milieux transparents

comme en réponse à la raréfaction du temps

comme pour attraper ce qu’il en reste et

parce que je crois que c’est en avalant

quelques secondes

prises dans des toiles visibles rien que par

la nuit qui vient de tomber sous nos pas

que les non lieux

sans histoire sans identité sans relation

prennent du sens

en refuges de décélération,

en citadelles de silence.

 

J’y pense, en filant sous les arbres noirs

et par les dernières ombres.

En agitant la tête

j’ai vu les feuilles roussir à vu d’oeil

et quelques sursauts de gestes,

d’oscillations,

par les fenêtres ouvertes aux passants.

Encore donc

les nouveaux espaces

les tremblements dans l’air et moi au bout

l’acceptation de la finitude face à la multiplicité d’expériences autres

l’attention à autour comme remède à la hâte

la lutte contre la contraction de l’espace provoquée virtuellement

par la vitesse des transports

et de la communication

en grands recueillements du temps dans le corps

les pieds au sol

et la tête lourde, faite pour ça

une balise d’orientation

une inertie nécessaire

 

et face à moi toujours le mouvement

et les bras qui se tiennent

et ne se lâchent pas.

Anna Pichot
bad ergonomie
bad ergonomie de comptoir,
le repose-pied déniché console
 
j’efface au gel hydroalcoolique
les traces de nez gras de la veille des vitres
 
une psy marseillaise en vacances
tempère un macho stressant, agressif, sidérant, 
cimer meuf, c’était moche
 
les minutes suent à deux de tension
 
merci et gros bisous, 
me dit-on au téléphone
Hélène Bléhaut
Anarchy Garden

WHY NOT SHARE ALL THINGS WE LIKE? SWEET, SALTY, SPICY, SOFT, HARD, AND OTHER TASTY AND SENSITIVE EXPERIENCES FROM THE FRONT HOLE THAT WE SHARE. THE MOUTH OF US ALL? ALL SAME BUT ALL SLIGHTLY UNIQUE… TE NO GUSTA PIMIENTE?! ACHSO, PLEASE TASTE THIS INSTEAD BECAUSE WE’RE ALWAYS IN SOME WAYS SOMEONE’S FOOD SIBLING; IF NO PIMIENTO ÑAÑES, MAYBE PIKANTE ÑAÑES OR PROBABLY SANDÍA ÑAÑES. 

LET’S SEE THROUGH OUR IDENTITIES THEIR ENDLESS COMBINATIONS THAT WEAVE A WEB SO INTRICATED BETWEEN ALL FOOD SIBLINGS THAT WHEN WE GATHER AROUND THE FOOD THAT WE SPEAK AND SHARE, THEN NO BORDERS NO WARS MAKE SENSE ANYMORE – AND BE ALL INCONEXAS PATRAÑAS.

          À TABLE !         
TEA TIME !               L’HEURE DU GOÛTER !
                      DINER’S READY !
       APÉRO !                      ME GUSTA MUCHO !  

 

29.7.2025

Æzul
Rose

Le profil est fin, et la conversation pourrait s’allonger. La vue d’elle envoie valser les endorphines dans les tympans, tambourine la cervelle de plaisir, de confort soudain, un frisson. Le regard assuré et direct, il inquiète les autres, croisés. Et c’est le vide. La grande dégringolade, sans fin, dans les méandres des iris sombres. Surtout, tant que l’apesanteur soulève le coeur, on croit rêver, à la nymphe idéale, une déesse parfaite devant nous. Alors, pas d’espoir, on se contente du dialogue, déjà chanceux d’être proches.

Kerian Dubuis
PETIT COFFRET ROUGE

   envelopé.e   dans un linceul
blanc

 des  cils infinis    comme
                                           le temps

Æzul
Vue sur la rivière

Sur mon chemin j’aime m’arrêter sur ce pont. J’y contemple la danse des reflets du jour dans la rivière. 

Je pense aux arbres qui se dressent grâce à son eau. Merci à elle d’être la source de ce merveilleux paysage. Merci à elle de partager ses vertus à tant d’êtres. Merci à elle de ne rien attendre en retour. 

À la lumière de cette rivière je me souhaite de pouvoir vivre comme elle : tracer ma route à mon rythme, avec fluidité, en continuité du temps passé-future-présent, et contribuer modestement à faire mieux vivre les passants. 

Tom S
La mer

Elle se dresse,
Aussi violente qu’insolente,
Provoquant tous les regards 
Refoulant nos sentiments amer
Elle m’a déshabillé hier
Se dressant comme un rempart
Face à moi, toute petite Démunie, sans pouvoir, face à elle

Aujourd’hui,
Je partage un moment
À écouter le ressac des vagues
Sur la plage avec des âm(i).e.s
Encore à me demander 
Pour la énième fois 
Quand et avec qui sera la prochaine fois 
Que je la reverrai

Raf
le hors-livre

Les signes des façades

les malécrits des rues

les giclées d’encre bleue

les pages des jardins

les paroles des poteaux
les autocollants placardés
le tipex sur le bois ou le fer
les déchirures graffitis
les aphorismes en bavure
les grandes lettres pendues
les confessions des passages
les secrets des cabanes
les mots dans les chiottes
les cris des ruelles
les racontars de trottoir
les griffures sur le verre
la craie blanche funambule
le feutre noir dans les latrines
les papiers blancs d’écrits noirs
les feuilles scotchées des couloirs

les morsures de la peinture
les phrases d’abribus
les tâches derrière les poubelles

les ratures sur la pierre
les cartons qui parlent
la tristesse biffée sur les rambardes

la parole perdue sur un mur
les dessins sur les vitrines
les déclarations des bancs
les gravures des troncs d’arbre
la poésie baragouine

Matt Mahlen
Renard

Il n’y a ici ni renard, ni prêche. Aucun roux prophète d’un testament rusé. Il n’y a pas d’histoire, il n’y a pas de hagiographie à raconter. Les murs de cette rue sont aussi banals que les autres, briques-bées. 

Mais il y a un bar nommé le Purgatoire, dans la rue du Renard-Prêchant. Et le dernier à avoir cherché la tanière fut pendu à son clocher. 

De cette rue il ne reste que légende ou mensonge, d’un canidé en habits de moine allant parler une bonne parole à une assemblée de canards. (Ce n’est pas une métaphore, c’est vrai, c’est pour ça que ça s’appelle comme ça, allez chercher.)

De cette rue, il ne reste bête ni prière, aucune conte, aucune fable. C’est juste une rue. 

Le fleuriste qui s’appelle Ronsard fait faner ses fleurs sur le trottoir alors que l’alcoolique du service fait les douze coups de midi. — Et dès la fin des vêpres, cette même vieille femme fume à sa fenêtre chaque soir religeiseuement même moment même fenêtre, même corps penché vers les cheminés, avant que les chiens errants 

hurlent à la nuit

Dieu sait pourquoi. 

 

Elias
La balançoire

Dans le jardin de Maminou, sous le kiosque, à l’abri de la pluie, tu m’as dit : « Viens, on va faire de la balançoire. »

Soudain, je me revois toute petite, au même endroit qu’avec toi, sur les genoux de Maminou, toujours vêtue de ses grandes et belles robes de chambre, avec au loin Papi en train de faire brûler des marrons, la clope au bec.

Je bondis de ses genoux et me mets à courir entre ces grands chênes, en direction de Papi, pour le supplier de me pousser sur la balançoire

Jusqu’à maintenant, elle était devenue pour moi un vieux bout de bois avec deux cordes, un truc de gosse quoi, rien de plus banal.

Mais en me posant cette simple question, je crois que tous les souvenirs que j’avais construits s’étaient effondrés.

Je crois même que j’avais rasé puis tout enterré, car tous ces souvenirs étaient trop difficiles à entretenir ; il restait quelques ruines, mais rien de plus.

Je repars déterrer ces vestiges avec toi.

Je ferme mes yeux, me laisse suspendue entre terre et air…

Souvenirs et réalité, balancer entre tes mains.

À présent, même s’il reste quelques bouts sous terre, on a redonné vie à cette balançoire, ma balançoire,

marquée par le passage des saisons, maintenant avec son manteau de lichen.

Sousmonchapeau